Les oeuvres à trois dimensions de Picasso de 1913 (redécouvertes en 1 956) me poussent à quitter le cadre de la toile et à avancer dons l'espace. Cette première fracture dans la carcan orthodoxe cubiste est élargie par l'emploi de la couleur franche inspirée par le troisième cubiste Juan Gris. A partir de ce moment-là, mes peintures perdent de plus en plus leur aspect cubiste. Elles deviennent tridimensionnelles, colorées, baroques; et, en ce moment, même des représentations figuratives apparaissent.. Peut-on encore parler de peinture cubiste? Suis-je toujours un peintre cubiste comme je l'ai affirmé avec un brin de provocation en 1986.
Je n'ai jamais eu l'illusion de faire du cubisme comme Picasso et Braque au début du siècle. Nous touchons maintenant à sa fin et on ne peut ignorer tout ce qui s'est passé entre-temps. Cela s'intègre forcément dans la vision des choses et du monde. Mais si les innovations formelles du cubisme ont été reprises par tous les mouvements qui l'ont suivi, son contenu l'a été moins, pour ne pas dire du tout. Et c'est peut-être là que j'ai pu découvrir certains aspects qui m'ont permis de préciser ma vision du réel pour continuer le chemin commencé.

Marc Henri Reckinger, 1996